Les Charlies de Kerdurand

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Plusieurs centaines de personnes s'étaient rassemblées dimanche à 15 heures sur les pelouses du chateau de Kerdurand pour honnorer silencieusement les victimes des tueries de Charlie Hebdo et de la porte de Vincennes. Moment vrai, intense, en toute simplicité. Comme il y a moins d'un siècle, en toute simplicité aussi, les chatelains de Kerdurand faisaient paître leurs vaches sur l'herbe du domaine (Photo)

Comme on va faire ses courses chez les commercants d'ici au lieu de s'en aller à la grande surface, ces Riantecois avaient choisi la proximité pour se rassembler, convaincus que les effets de nombre, la présence de caméras où de leaders politiques, dans les grandes villes, n'y feraient rien à leur grande émotion.  Une simplicité qu'aurait adoré par dessus tout, sans doute, l'une des victimes de Charlie Hebdo, l'économiste Bernard Maris. A force d'études tout en restant lucide, ce fils de quincaillers d'un bourg du Sud de Toulouse (à peine plus gros que Riantec) était devenu ce chantre iconoclaste d'une économie raisonnable pas si utopique que cela puisqu'il venait d'entrer au Conseil de Gouvernance de la Banque de France. Bernard Maris avait pour "père" le fondateur de l'école d'économie de Toulouse, Jean-Jacques Laffont. Ecole que dirige maintenant notre récent prix Nobel d'économie, Jean Tirole.

Pourfendeur d'un capitalisme déraillant à défaut d'être triomphant, d'une consommation maladive plus qu'utile et de déplacements futiles et polluants. Oh Oui ! , Bernard Maris aurait applaudi des deux mains cet instant de proximité sincère et raisonnable à Kerdurand.

La preuve ? En toute simplicité, un jour, Bernard Maris était devenu le gendre de Maurice Genevoix, cet écrivain ennemi, lui aussi, des choses compliquées et du superficiel. ces obscurs tueurs de journalistes ignoraient bien sûr que l'économiste toulousain qu'ils venaient d'abattre en fixant son regard avait au doigt l'alliance portée jadis par son beau-père, ce "poète de la terre", capable lui aussi de faire paître les vaches sur le devant de sa bâtisse adorée des bords de Loire. En toute simplicité.

Le savaient-ils, ceux de Riantec, qu'en toute simplicité aussi ils allaient sécher une ultime larme sur le visage abimé de Bernard Maris ? Peut être pas. Il est là, cet art des gens vrais : savoir deviner, agir en conséquence.

Fanchon et Gérard (avec Nico)