SONS BAROQUES SUR LA RADE

Il n'y a que deux fabricants recensés d'instruments à vent sur la Rade de Lorient. En France, ils ne sont que deux, aussi, à fabriquer des clarinettes baroques ou romantiques. François MASSON est l'un de ces deux -là. Son atelier, qui ressemble un peu à celui de Gepetto, est situé à Port-Louis. Quand il parle de son métier en tripotant un bout de bois, on voit presque naître une clarinette en direct comme, enfants, on voyait naître Pinocchio dans les livres d'images, en se taisant.

...Le sexe des arbres ? C'est une question que je ne m'étais jamais posée. Ils en ont sûrement un mais je n'en ai jamais tenu compte dans le choix de mes bois...L'odeur non plus, n'est pas un critère. C'est en les débitant que les odeurs viennent...Les pertes sont d'environ 70%. entre la bille d'origine et l'instrument....Non, ce n'est pas dans le cœur du bois que l'on choisit le carrelet dans lequel on fera la clarinette. Le cœur est plus fragile, il travaille beaucoup plus avec le temps. On l'évite...Il vaut mieux fendre son bois que de le couper, pour mieux repérer les nœuds ou les futures fentes...

...Je travaille essentiellement le buis. Pas du buis breton, hélas. Pour trouver des vieux buis, d'au moins 150 ans, il faut descendre au minimum au-dessous de la Loire. Parfois, c'est plus rare, j'utilise de l'ébène du Mozambique ou de la grenadille, un arbre de la famille du palissandre. Avec sa densité de près de O,77, le buis est déjà bien assez dur...On trempe ensuite le carrelet pendant un mois dans de l'huile de lin pour le stabiliser...Pour faire des trous dans mes clarinettes, je perce à des vitesses plutôt lentes. Sans mouiller, sans chauffer la mèche. C'est inutile. De toute façon, les pétouilles arrivent souvent plus tard, quand on tourne le bois. Mais si le bois se fend, neuf fois sur dix, c'est parce qu'on a forcé...

...Le fait de travailler en Bretagne, avec son climat réputé humide, n'a pas de conséquences sur mes futurs instruments. Le concertiste y fait beaucoup plus attention.... La sécheresse, c'est souvent pire que l'humidité....Quand on joue de la flûte en haut du Népal, le diapason monte naturellement...

...Je fabrique moi-même les clés de mes instruments. En argent, en laiton ou en maillechorte, qu'on appelle aussi "argent Allemand". Je fonds, je moule, je lime et j'usine ces clés. C'est long, mais quand on forge soi-même le métal, on obtient plus de rigidité. Ce qui donne un meilleur confort de jeu pour le concertiste...

...Les peintures des instruments restent un grand mystère, pour moi en tout cas. Certains confrères croient avoir retrouvé le secret des patines de l'époque. C'est du bluff ! On ne le connaîtra sans doute jamais. Stradivarius, par exemple, utilisait des vernis de base qu'il achetait à des fabricants de meubles de son quartier. Sans se poser trop de questions, il tripatouillait ensuite ces vernis...Ce mystère repose sur l'équilibre des acides qui doivent être compensés par des bases pour ne pas attaquer l'instrument tout en le protégeant. Ce sont ces bases, et leurs proportions idéales par rapport aux quantités et aux qualités des acides utilisés, que l'on a perdu avec le temps. Du coup, chacun y va de son petit secret...

...Je travaille avec un fond d'une cinquantaine de plans d'époque de clarinettes baroques ou romantiques, soit entre 1700 et 1815... Rien que pour ces clarinettes, il y a les modèles en ré, en do ou mi-bémol, en si bémol, en la, en la du basset, en sol, en sol du basset ou en sol-fa... C'est au diapason que l'on distingue les différentes clarinettes. Les baroques donnent un son à 415 Hertz, les classiques à 430, les romantiques à 435 et les modernes à 440. Voire plus...

...Bien sûr que la polémique demeure entre les anciens et les modernes, entre les instruments en bois et ceux en résine ou en métal. Même s'ils ne sont pas "nobles" les matériaux synthétiques fonctionnent très bien quand même. Avec les résines, les sons sont plus rapides, plus brillants, plus cristallins, plus purs, plus précis, d'accord. Mais la précision n'est pas toujours synonyme de perfection. Le bois est plus chaud, plus humain. Il donne un son qui a une âme, de la vie. Je ne travaille qu'avec lui.

François MASSON, luthier

3 rue de la Poste, Port Louis

Tel : 02-97-82-48-18

Mail : f.s.masson@wanadoo.fr

Photos : Bob Nicol