Rires jaunes à la « Pointe des blagueurs »

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« L’humour, c’est d’en rire quand même » (Proverbe allemand). Difficile quand même de rire de ce drame familial qui toucha la famille Busson durant la première guerre mondiale. Joseph et Joséphine Busson, domiciliés à la « Pointe des blagueurs » de Larmor-Plage, eurent trois enfants. Trois garçons. Deux d’entre eux, militaires, moururent sur le front. Le troisième fut fusillé par les allemands pour faits de résistance ! Retour sur une tragédie.

C’est dans le numéro 22 (Décembre 2012) des épatants « Cahiers du pays de Pleomeur » que la tragédie de la famille Busson est évoquée avec une précision mieux qu’historique. Issu d’une dynastie de meuniers bretons, Joseph Busson épouse Joséphine Le Mestre, fille d’un charpentier sur le port de Lorient. Le couple s’installe au 23 de la rue Poissonnière, sur la Pointe des Blagueurs de Larmor-Plage où, déjà, les sardiniers de la ville ont pris l’habitude de se regrouper entre deux marées pour pratiquer l’art marin de la blague, souvent caustique mais rarement méchant.

C’est là que nait, en 1875, le premier des fils Busson, Joseph. Le second, Lucien, voit le jour 5 ans plus tard et le troisième, Louis, les rejoint sur terre en 1883. Saint Cyrien, Joseph entre naturellement dans le rang des officiers français. Recalé à Saint Cyr, Lucien entre quand même dans l’armée, par la petite porte. Réformé pour cause de myopie, donc écarté lui aussi des élites Saint Cyriennes, Louis, après l’Ecole Centrale, devient ingénieur  des Arts et Manufactures et s’en va à Sedan diriger l’usine locale de la Compagnie Française d’Eclairage et de Chauffage par le Gaz.

Vient la terrible guerre.

Le 14 septembre 1914, le cadet des frères Busson, Lucien, chef d’une section d’artilleurs, est tué par un obus dans la cour de la ferme du Godat qu’il est chargé de défendre en pleine offensive de la Marne. Louis recevra la Croix de Guerre avec médaille d’argent pour « avoir fait preuve du plus bel esprit de sacrifice »

A quelques kilomètres de là, terrible destin, le 28 février, 1918, le commandant de bataillon Louis Busson est tué par un éclat d’obus. Au cours de l’offensive allemande du Chemin des Dames, il est repéré par l’artilleur ennemi au moment où il monte sur un observatoire pour diriger une riposte. Louis recevra la Légion d’Honneur

Louis, le dernier, ne fait pas la guerre. Il dirige toujours son usine de Sedan qui se trouve en territoire occupé par les allemands depuis le 24 août 1914 et avec lesquels il va souvent s’opposer ouvertement. Le 2 juillet 1916, Louis est arrêté puis condamné à mort par la justice allemande qui l’accuse de « trahison de guerre, précise le jugement, pour avoir envoyé à Paris, par pigeon voyageur, une lettre dont le contenu avait ce caractère ». Louis est exécuté le 16 juillet. Bien des années plus tard, des militaires anglais révèleront que Louis faisait effectivement partie d’un groupe de résistants installés à Sedan dont il aurait même été le chef. Louis Busson ayant été le seul résistant capturé à Sedans durant cette guerre, ce témoignage anglais prouve, du coup, que, même sous une torture probable, Louis n’aura pas parlé. Louis recevra la Légion d’Honneur à titre posthume.

Deux légions d’Honneur et une Croix de Guerre ne suffiront pas à essuyer les larmes des parents, épouses en enfants des trois frères Buisson, retirés tout à tour dans la maison familiale de la Pointe des blagueurs après la triple tragédie de cette guerre pas drôle du tout. Encore moins drôle : Un siècle plus tard, Larmor-Plage n’a toujours la moindre rue, ruelle ou place à la mémoire des trois frères Busson !