Comme Zazie prenant le métro parisien a longueur de journées dans le livre de Queneau, claire Le Bechennec prend le bateau quatre fois par jour pour aller au boulot.chaque matin, claire s'en va de locmiquelic vers Lorient puis de Lorient vers groix . Retour le soir pour cette secrétaire du cabinet médical de l'ile qui, pourtant, n'en fait pas toute une histoire.
Une journee commune de Claire commence a 7h23 dans le bus qui va de Locmiquelic a Pen Mane.
" tout le reste suit, c'est une question d'habitude. Le bateau pour le qui des Indes. Puis le tour de l'avant port a pied et l'emarcadere pour groix. A port tudy, il me reste lagrande montee a faire a pied et je suis arrivee au cabinet" "pour le retour du soir, ca descend, donc c'est mieux. Je prends le bateau de 17h30 et je suis chez moi avant 20 heures, franchement, il y a pire, dit elle, toujours sans faire d'histoire. En region parisienne, certains ont des trajets quotidiens beaucoup plus longs que les miens, et on est quand meme mieux sur un bateau que dans les sous sols du metro !" Et ne comptez par sur Claire pour vous dire qu'en hiver, c'est plus dur qu'en été: "franchement, chaque saison a son charme. L'été, avec les vacances scolaires, les horaires sont beaucoup moins pratiques pour moi. Cela compense a peine les douces chaleurs" "finalement, mes moments préfères, ce sont les saisons intermédiaires. Avec mes horaires, je m'offre des levers de soleil le matin et des couchers le soir, toujours sur bâbord, qui font oublier beaucoup de choses. Cela dure depuis plusieurs années mais je n'ai pas encore réussi a m'en lasser " c'est très rare, vraiment, que je m'installe a l'intérieur du bateau. Quand il fait vraiment trop mauvais, on s'abrite. Sinon, des habits chaudes et un bon, ca suffit. Avec les copines, on rigole. Ca tient chaud" Claire H , en effet, voyage rarement seule. Nous sommes une dizaine a faire ca tous les jours. Ca nous donne le temps de discuter, de rigoler" le mal de mer " je n'ai jamais connu. Les bateaux sont de plus en plus stables, ils roulent de moins en moins. Trois ou quatre fois par an, les bateaux ne passent plus. Si nous sommes bloquées sur l'ile, on se débrouille avec des amis. Ca existe encore, la solidarité. Et si je suis bloquée le matin, mes employeurs le comprennent parfaitement. Difficile de tricher, de toute façon" Pourtant, si Claire et ses copines devaient trouver quelque chose a redire sur leur transporteur, "c'est pour la communication en cas d'annulation du bateau. Il y a rarement des informations sures. On se débrouille entre nous. C'est radio tam tam avec nos téléphones. L'une appelle un copain du sémaphore, l'autre un matelot du bord. On a d'autres sources d'infos, plus ou moins sures. Au final, on finit toujours par savoir" Avec l'habitude, aussi, Claire et ses copines sont un peu devenues les mascotes du bord. " les capitaines nous saluent depuis la haut quand nous montons a bord. Avec les matelots, on se salue, on rigole, on s'embrasse. Sans parler du matelot d'arrière, a bord, dont le poste de manoeuvre des aussières se trouve a quelques mètres du repère préfère des "filles" comme on les surnomme affectueusement ici. "ceux la, on les connait encore mieux. On discute beaucoup s'il a le temps. On se titille un peu, pour rigoler. De toute façon, on a rarement vu des marins méchants ou aigris sur cette Compagnie. C'est pas le genre des gens de mer, et pas le notre non plus, a force d'aller sur l'eau. Ca doit être contagieux" Et quand on parle finances, Claire H est aussi tout a fait précise. "c'est comme pour les cartes mensuelles de RER a Paris. L'employeur prend en charge la moitié du transport. Je paye environ 50 € par mois. Et comme on reserve d'un moins sur l'autre tous nos passages, il y a toujours de la place pour nous, même l'été, quand ils refusent des passagers" Heureuse, Claire ? " Bien sûr. Il y a plein de gens, sans doute, qui rêveraient de prendre quatre bateaux par jour pour aller au boulot. Et surtout, dites leur qu'on ne s'en lasse pas. J'avais pense, un moment, m'installer sur l'ile mais ces coupures, ces moments sur l'eau, qui ne sont ni du boulot ni du dodo, je crois que je ne pourrais pas m'en passer. Ca me redonne du souffle pour finir ma journée" Car n'allez surtout pas croire que la journée de Claire, qui "n'a pas 50 ans encore", s'achève de retour chez elle, devant un plateau télé. " Ca aussi, on oublie, dit elle, toujours modeste. Je suis adjointe au maire de Locmiquelic. En dehors des permanences du week end, il y a trois ou quatre reunions par semaine, le soir. J'y vais. Normal !Quand on fait quelque chose, on le fait a fond !" . L'adorable Zazie, aussi, faisait les choses "a fond" avec une sincérité désarmante qui sied parfaitement a notre voyageuse de la Rade.