Dans ses bureaux de la Base des Sous-Marins de Lorient, Ariane Pehrson cherche à longueur de journée avec quelle poudre miracle elle pourrait redonner le vrai goût de l’eau au liquide sortant des désalinisateurs, ces engins qu’utilisent les marins en course pour transformer de l’eau de mer en eau buvable, gain de poids oblige. Donc pour réhydrater et réchauffer les plats lyophilisés qu’ils mangent à longueur de miles et qu’Ariane leur vend à longueur d’années.
Fondatrice il y a trois ans de « lyophilise.com », cette femme au regard plus volontaire encore qu’un soliste au départ du Vendée Globe scrute le ciel, les astres, interroge les augures, pour obtenir la recette de cette poudre miracle. Avis aux connaisseurs qui voudraient ravir Ariane Pehrson et ses amis marins, dont le sien, depuis qu’elle s’est chargée, trois ans plus tôt, de les nourrir intégralement durant tous leurs défis. Avec ce vieux rêve pour elle : que l’envie de passer à table remonte à bord des voiliers de course, même avec du lyophilisé au menu.
« Le lyophilisé est sans doute ce que l’on fait de mieux actuellement pour préserver les goûts et les qualités des aliments, précise-t-elle. Il s’agit tout simplement d’un procédé utilisant un séchage par le froid qui permet d’éliminer 99% de l’eau dans la nourriture sans jamais toucher à la molécule, donc sans altérer les saveurs puisque la molécule n’est pas cassée. A la différence de la déshydratation qui enlève 50% de l’eau par un séchage à chaud au cours duquel la molécule s’effondre et de nombreux composants, vitamines ou autres, disparaissent ».
Au-delà de la préservation des vitamines et des nutriments vitaux à la vie, Ariane Pehson dit encore et surtout qu’elle avait « envie que la table sur les voiliers de course mais aussi au sein des grandes équipes en expédition et même des situations en situation de survie, redevienne un véritable plaisir. Il suffisait de les regarder embarquer leurs rations la veille des grands départs presque avec dégoût pour comprendre qu’il y avait un problème ».
L’arrivée des désalinisateurs à bord annonce une première solution. Une portion lyophilisée pesant de 100 à 150 grammes, il ne faut désormais prévoir que 150 kilos maximum de charge pour nourrir matin midi et soir 10 équipiers pendant 1 mois. Pour un budget inférieur à 10.000 Euros, pas même le prix d’une petite voile d’avant neuve.
La clientèle d’Ariane ? Tous les navigateurs, ou presque, mais aussi des équipes d’explorateurs ou de sauveteurs et même (de plus en plus nombreux !) de riches clients anonymes persuadés d’une prochaine fin du monde mais désireux quand même de continuer de manger au fond de leurs secrets abris après le grand cataclysme « annoncé ». Hélas pour les millénaristes, Ariane ne possède rien en rayons en guise de vins et autres alcools pour arroser l’apocalypse. « Ca s’est fait, dit elle, mais ce n’était vraiment pas bon ! »
Sans négliger bien sûr les envies gourmandes des marins « qui sont comme tous les gourmets du monde, ajoute Ariane. Comme les clients au restaurant, c’est rigolo, ils en ont marre des sauces lourdes ou trop épicées qui masquent les vraies saveurs. Ils recherchent des plats simples, presque -de terroir-, comme on dit. Au lieu de desserts compliqués, ils recherchent plutôt des vrais quartiers de fruits. A la rigueur des salades de fruits comme à la maison. Nous nous adaptons aussi aux cahiers des charges de leurs nutritionnistes attitrés».
Du coup, « Lyophilise.com » propose près de 450 références différentes de plats. Prenons le bœuf. Vous le trouvez alors à la Hongroise, au poivre, aux carottes, bourguignon, chasseur, forestier, Parmentier, Stroganoff, en boulettes ou en ragoût, au curry, à la carbonade, à la gibelotte ou haché tout simplement. Sans oublier les joues de bœuf au piment d’Espelette, l’assiette mexicaine, les lasagnes, le Chili con carne ou dans une sauce Bolognaise avec des pâtes elles aussi lyophilisées.
Mêmes choix pour les desserts, les entrées et les petits-déjeuners. Reste le problème de l’eau miraculeuse, toujours pas réglé, qui devient fade et déprimante dès qu’elle est désalinisée et dont le goût devient « trop fort, presque écœurant dés qu’on y rajoute des poudres reminéralisantes du commerce ». Foi de marins et d’Ariane Pehrson. Mais on n’est jamais à l’abri d’un coup de chance. Un jour, un restaurateur, un chimiste, un biologiste appelleront la Mama-cuisinière de nos navigateurs pour lui dire : « Euréka - J’ai trouvé votre poudre à pin pin ! ». Un petit pas pour l’homme mais un grand pas pour l’humanité navigante.
Ariane Pehrson - « Lyophilise.com » - Base des Sous-Marins. Lorient – Tel : 02.97.87.23.73